Libre d\'être soi

Libre d\'être soi

Un taxi à Casablanca

Quand on est une casablancaise et qu’on ne conduit pas, on a forcément déjà pris un taxi. Vous savez ces petites voitures rouges qui vous emmènent là où vous voulez, tout du moins en théorie. Ce n’est un secret pour personne, ils sont plus prêts à vous dépannez si votre trajet n’est pas trop différent du leur plutôt qu’à VOTRE disposition. Pas besoin de courir pour approcher leur fenêtre ils vous indiquent tout de suite la direction d’un simple signe de la main : à droite, à gauche, tout droit. Et alors là attention il faut réagir vite ! Ce qui  suppose que vous savez différencier la gauche de la droite (croyez moi ce n’est pas si facile en pleine action), que vous connaissez le chemin qui doit vous menez à l’adresse désirée et que vous avez une faculté à traiter toutes ces données et à pouvoir répondre d’un autre signe de la main tout cela avant que le taxi ne vous dépasse. Waw il en faut des capacités pour prendre un taxi ! Une fois dedans, le plus dur est fait…enfin la plupart du temps.

Parce que chaque taxi est unique, chaque trajet est unique. Tiens ça ferait un bon slogan pour une pub ça ! Trêve de plaisanterie, c’est à chaque fois une surprise, on ne sait pas ce qui nous attend lorsqu’on prend un taxi, c’est très excitant en somme. Je vais vous raconter quelques petites anecdotes vécues lors de mes multiples périples en taxi à travers la ville.

 

Aller, il faut reconnaitre que la plupart des trajets se passent sans encombre et dans un silence quasi religieux mais parfois quelques embuches peuvent survenir sur votre chemin. Les erreurs de trajet par exemple, comme la fois où je voulais aller au boulevard Omar El Khayam, et que le taxi a cru que je lui demandais de m’emmener à l’école Omar El Khayam qui se trouve je ne sais où mais en tout cas à mille lieues du boulevard lui-même. Je m’en suis rendu compte un peu trop tard et corriger la trajectoire a pris un temps fou, au lieu d’un trajet de 20 min on en a effectué un de 45 min, heureusement le taximan a été correct et m’a fait payer « le tarif que je payais d’habitude ». En parlant de ces tarifs que vous payez d’habitude, il faut les avoir en mémoire hein, ça peut aider. Ensuite il ya les taximan qui veulent tout savoir sur vous : vous allez chez vous ? Vous êtes d’accord avec ma vision politique des choses, n’est ce pas ? Bien sûr que je vais chez moi et mon père m’attend vous savez, oui oui totalement d’accord  avec vous, que vous lui dites d’une voix sans intonation en priant pour que vous arriviez viiiite. Ensuite il ya les taximan furieux et agressifs, il y en a un, une fois qui m’a regardé dans le rétroviseur et qui m’a demandé de but en blanc : « Pourquoi tu me regardes avec tes petites lunettes, je vais te les écraser sur la figure moi ! » Et ensuite il s’est mis à rire, je vous avoue que là, j’ai eu bien peur et je lui ai demandé quelques mètres plus loin de me déposer bien gentiment. J’ai de nombreuses anecdotes avec les taxis, comme tous les casablancais, mais ma préférée reste sans contexte celle là.

Il ya deux ans, je voulais me rendre du boulevard Abd El Moumen au Mégarama, et j’ai fini par trouver un taxi. Il y avait déjà deux personnes, un homme devant et une femme derrière. Je monte donc derrière à côté de la femme. Le chauffeur, lui, est un homme d’une soixantaine d’années, en veste tweed et avec des lunettes sur le nez, il écoute la radio MEDI1 sur laquelle passe une émission qui traite des problèmes que rencontrent les parents avec leurs adolescents. Le chauffeur semble très intéressé et fait des commentaires sur le sujet, ce qui donne lieu à une conversation dans le taxi où chacun y va de son petit avis, même moi je me prends au jeu. Se sentant en confiance, la femme à coté de moi nous confie alors ses problèmes avec son ado qu’elle élève seule parce que son mari l’a quitté. Elle se trouve obligé de jouer le rôle de la mère et du père en étant à la fois consolatrice et autoritaire, elle a peur que son fils finisse par lui en vouloir. Le taximan très ému par la détresse de la femme (qui était au bord des larmes) la conseille et lui dit qu’à son avis elle devrait le laisser voir son père de temps en temps pour qu’il ne l’idéalise pas et qu’il se rende compte à quel point sa mère s’implique dans son éducation alors que son père fuit ses responsabilités (d’après le témoignage de la femme c’était le cas). Même une fois arrivée à sa destination, alors que la femme le paye le taximan lui dit de ne pas descendre tout de suite, il se range à droite, coupe le moteur et nous demande à moi et au monsieur de devant si on a du temps devant nous. Avec notre approbation, il continue à conseiller et à encourager la femme. En descendant elle l’a tellement remercié que j’en ai été émue moi-même. Comme je n’étais pas encore arrivée au cinéma, j’ai eu le temps d’entendre son histoire : il était cadre de banque et après avoir pris sa retraite il a acheté un taxi avec ses économies pour avoir une rentrée d’argent supplémentaire. En effet il en avait besoin pour ses deux enfants qui étudiaient aux Etats Unis. Cet homme avait suscité mon admiration, je n’avais passé qu’une vingtaine de minutes avec lui mais il m’avait marqué. Une vraie leçon de vie.

 

De vie, c’est en fait de cela qu’il s’agit, les taxis sont une ouverture sur la société, des personnes se rencontrent, partagent quelques minutes de trajet commun : une opportunité d’échanger, et puis ensuite chacun retourne à sa vie et à ses occupations. Des pans de vie se croisent et se séparent chaque jour dans ces petites voitures rouges… alors la prochaine fois que vous prendrez un taxi pensez y ! Je dois vous laissez, j’en vois un qui approche, attention il est presque à porté de vue, je vais essayer de l’avoir, taxiiiiiiiiii ! 



06/07/2012
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